Je ne fais que passer

(De la fongibilité de l’ego d'un chef dans la temporalité d'un EPLE) 

(J'ai tout de suite pensé à Dali, je vous laisse conjecturer...)

 

Cela fait un bout de temps que je réfléchis à ce billet concernant nos passages dans les divers établissements qui échelonnent notre carrière de personnel de direction. 

Avant de commencer à écrire j’ai demandé sur Twitter à ceux qui le souhaitaient de me faire remonter leurs interrogations, leurs questionnements, leurs craintes et leurs espoirs quand un chef part et qu’un autre arrive. 

En ce qui me concerne, dès qu’un.e DASEN part et qu’un nouveau ou une nouvelle arrive, dès qu’un recteur ou une rectrice part, et qu’une nouvelle ou un nouveau arrive, je me demande à quelle sauce nous allons être mangé, si ça va être mieux ou moins bien, toutes ces questions qui me paraissent tellement naturelles. 

Comme je m’y attendais, les retours que j’ai eus de la part de personnes très diverses rejoignent finalement les interrogations que je rencontre moi-même. 

Cette évidence m’a amené à réfléchir sur ma mission de chef d’établissement, et aussi sur ce qu’on devrait attendre de moi dans un établissement scolaire, dans lequel (donc) je ne fais que passer. 

En effet, un chef d’établissement dans l’enseignement secondaire a dans son contrat une clause de mobilité : il doit rester (en théorie) trois ans minimum sur un poste, et ne peut y rester plus de neuf ans, sauf dérogation exceptionnelle (départ à la retraite proche, handicap, situation personnelle très particulière…).

Par ailleurs, dès sa septième rentrée, un.e chef.fe (ou un.e chef.fe adjoint.e) est tenu de participer au mouvement et doit donc demander un poste pour la rentrée suivante.  Et au bout de 9 ans, nous sommes en "mobilité obligatoire", ce qui peut être alors fort désagréable si on ne joue pas correctement à ce jeu...

Et lorsqu’on ne veut pas partir d’un établissement avant la neuvième année on demande alors plus ou moins volontairement des postes totalement inaccessibles…) 

  

Cette temporalité si particulière, qui est relevée par la plupart des personnes qui m’ont fait l'honneur de m’envoyer leur témoignage, m’a amené à me poser la question de ce qu’on attend finalement de nous lorsque nous passons si peu de temps dans un établissement, en comparaison du temps statistiquement beaucoup plus long que passe la majorité des personnels dans le même établissement. 

Ces personnels voient se succéder plusieurs chef.fe.s au fil des années, avec des personnalités différentes, des objectifs différents, des compétences différentes, … 

  

Nous connaissons tous des chef.f.es d’établissement qui sont des bosseurs incroyables, qui ne comptent pas leurs heures, et qui montent à la force de leur seule volonté, et de leurs compétences réelles, des dispositifs d’une audace pédagogique incroyable, des dispositifs qui n’auraient jamais vu le jour sans les compétences avec lesquelles ils sont arrivés dans cet établissement. 

À titre personnel et pour l'exemple, j’ai développé dans le cadre de missions précédentes à mon métier de chef d’établissement des compétences informatiques que peu de personnes ont. Objectivement, ces compétences me permettraient d’imaginer des dispositifs numériques extrêmement complexes, voire très techniques. 

Et pourtant, je m’y suis toujours refusé… 

Pourquoi donc ? Parce que, justement, je ne fais que passer. 

J’ai une vision de ma mission extrêmement pragmatique : je me vois, non pas comme celui qui va apporter de superbes projets extrêmement novateurs, mais plus comme une sorte de catalyseur qui saura ou non entretenir et révéler le meilleur de chacun des personnels avec qui il va travailler durant quelques années. 

Et favoriser l’intelligence collective, indispensable à la réussite de toute organisation.

Dans l’idéal, je voudrais que le chef d’établissement qui me succédera puisse se mettre littéralement dans mes chaussons, sans que cela (au moins dans un premier temps) ne perturbe le fonctionnement de l’établissement et surtout ne perturbe pas le fonctionnement des personnels. 

Je pense que le chef d’établissement doit avant tout se voir comme ce fameux catalyseur (j’utilise souvent l’image du mécano avec sa burette d’huile). 

Il doit se mettre au service de son établissement et s’adapter à celui-ci. Et pas le contraire. 

Cette vision du métier est éminemment frustrante si on envisage sa carrière comme une succession de « faits d’armes » et de dispositifs mémorables qui la marqueront du sceau de ses qualités (qui sont fabuleuses, n’en doutez pas). 

 

En tant que chef d’établissement, sans compter les années où j’étais adjoint, j’ai connu avec celui-ci trois établissements différents. 

Très différents… 

Et en observant mon pilotage passé, je réalise que je n’ai pas été du tout le même chef d’établissement sur ces postes. Je me suis adapté à chacun, parfois en devant gérer ma frustration de ne pas parvenir à avancer au rythme que j’aurais aimé, tout en apprenant aussi beaucoup…

J'ai lu ce matin une pensée de Nelson Mandela qui me plait beaucoup : "Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends". J'ai beaucoup appris de mes frustrations de chef et de ce que je n'ai pas réussi à impulser.

Pour revenir à la question des changements de direction, je suis toujours un petit peu triste quand j’entends des collègues exprimer assez ouvertement la différence de vision qu’ils ont de ce qu’il faudrait faire dans leur établissement au regard de ce qui avait été fait par leurs prédécesseurs pendant plusieurs années. Comme s’il ne s’était rien passé avant, comme si leurs prédécesseurs avait commis de nombreuses bourdes et que maintenant que quelqu’un de compétent était en place « les choses allait enfin pouvoir changer ! ». 

Si je devais prendre le cas de mon établissement actuel, si après moi devait arriver un collègue très à cheval sur les règles et le règlement (en particulier concernant la tenue de certaines instances comme le Conseil Pédagogique), je sais que je devrais alors m’attendre à avoir les oreilles qui sifflent pendant quelques temps, le temps justement que ce collègue remettre « un peu d’ordre dans la maison » … 

 

Los de mes mutations, j’ai succédé à des personnes très différentes de moi, qui avaient des compétences que je n’ai pas et qui n’avaient pas des compétences que j’ai… 

Parfois, il m’est arrivé de pester, justement parce que je n’avais pas les compétences pour pouvoir continuer un dispositif ou un projet qui était majoritairement porté par le chef d’établissement, et pour lequel si je l’avais continué en l’état, le dispositif aurait d’un seul coup nettement perdu en qualité. Par ma faute, donc...

 

Je crois que c’est la raison principale pour laquelle je ne monte des projets que lorsqu'une personne autre que moi, au sein de l’établissement, peux en assurer la coordination et l'animation. 

Je cite souvent ce principe de la délégation attribuée au Maréchal Joffre : « Ne rien faire, tout faire faire, ne rien laisser faire ». Quand on prend le temps de décortiquer ce principe, sans en prendre le côté trivial, on se dit que le Maréchal Joffre (si tant est qu’il ait bien écrit ce principe) avait tout compris et nous montrait, à nous chef d’établissement de l’enseignement secondaire, la voie à suivre pour assurer un pilotage serein et dans la durée. 

J'ouvre une parenthèse : J'ai eu l'occasion il y a quelques temps de participer à un webinaire organisé par @ManagEduc avec Flora Bernard, philosophe spécialisée dans le management en entreprise. Si vous avez l'occasion de revoir ce webinaire ou de lire ses écrits, je ne saurais trop vous les conseiller. Fin de la parenthèse.

Quand un projet se monte dans mon établissement ou lorsque j’en suis l’initiateur, je vois mon rôle comme un facilitateur, pour faire en sorte qu’il puisse être pérennisé bien au-delà de mon passage. 

Je dois être capable de poursuivre ce qui était en place avant mon arrivée, et mon successeur doit être en mesure de poursuivre ce que j’ai mis en place. 

Soyons un peu humbles et reconnaissons qu’un établissement « qui tourne », fonctionne bien avant tout grâce à ses personnels et la qualité de leur travail. Et que souvent (et là je risque de m’attirer des foudres), l’inverse est souvent vrai. 

De mon point de vue, un établissement d’exception est un établissement qui serait capable de palier mes carences et de fonctionner temporairement sans pilotage. Je dis bien « temporairement » parce qu’à moins d’un vrai projet d’autogestion pensé et partagé, ce fonctionnement ne saurait durer trop longtemps. 

Le pilote dans l’avion, ce n’est pas mal non plus. 

  

Au-delà de cette réflexion, soyons néanmoins lucide : il y aura toujours, d’une gouvernance à l’autre, des différences dans la forme que prendra le pilotage.  

Ne serait-ce que par la personnalité des chefs d’établissement et leur capacité à être ou pas à l’aise dans la communication interne et en direction des usagers. 

Je crois fondamentalement que, d’un chef à l’autre, la plus grosse différence va se faire sur cette capacité à communiquer. 

Cette capacité à communiquer pourrait à elle seule faire l'objet d'un billet. Sans communication, transparence avec ses équipes, et explicitation de ses décisions on prête le flanc à la critique facile (et qui sait, méritée). 

 

Concernant le reste, cela dépend principalement des personnels en place et de leur volonté à faire avancer la barque pédagogique dans laquelle ils se trouvent, au gré des changements de capitaines. 

Et de la capacité du capitaine à utiliser à bon escient sa burette d’huile… 

  

Je connais, parmi même mes ami.es et camarade de promo, certain.e.s qui ne sont pas d’accord avec cet avis et qui pensent qu’il faut aller de l’avant, peu importe qui arrive derrière.  Je me moque d’eux sur le thème « après Moi le déluge » mais je comprends leur envie. 

Je suis aussi conscient que mon type de gouvernance me rend beaucoup moins brillant, au sens propre, et beaucoup moins visible (certains diraient “bancable”). Malgré des gâteaux pédagogiques que tout le monde m’envie.

J’ai appris que nos lettres de missions vont disparaître sous peu (ces fameuses et mystérieuses lettres de missions que seuls nous chef.fe.s connaissons et que nous ne partageons pas) et que nos évaluations jusqu’ici triennales devenaient annuelles. C’est une bonne nouvelle (j’ai été évalué à mon arrivée dans l’académie, sur une lettre de mission posée trois ans plus tôt dans un autre contexte… Moment assez surréaliste). 

Mais je m’égare. 

Tout cela pour dire : Je ne fais que passer. Rassurez-vous, ça va bien se passer. 

 

 

Je pose en dessous une partie des retours que j’ai eus à ma question sur Twitter, merci pour ces contributions.  Vos retours ont largement débordé la simple question de départ mais révèlent une importance que nous minorons probablement sur ces changement (et plus généralement sur notre responsabilité vis à vis de nos établissements).

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 « quand un nouveau ou une nouvelle arrive, j'ai plus de craintes qu'autre chose pour être franche...   

Mes craintes : on a le PSC1 bien installé, parfois dans notre temps de service, parfois en HSE, on bidouille mais on fait.   

Tous nos élèves sont formés. Les EDT sont réaménagés pour ça lors des voyages ou stage en entreprise. Ce n'est pas le cas partout. Donc je me demande s'il va falloir se battre pour garder ça. Je me demande aussi si d'autres avancées obtenues parfois malgré une partie de la salle des profs vont tenir face à l'assaut des collègues. Par ex chez nous les élèves finissent à 16h. C’est top pour eux et moi je trouve ça bien aussi pour nous. Plus d'anglais euro. Je trouve ça bien aussi. Même si j'apprécie les collègues d'anglais, trop d'options cumulables c’est mauvais parfois pour les EDT et ça profite toujours aux mêmes élèves. Au stade où j'en suis je me demande rarement s'il ou elle va soutenir le latin.   

En général j'arrive à me débrouiller quoi qu'il arrive. Les horaires peu propices j'en ai eu, ce n’est pas top mais on fait avec. La plupart des collègues essaie de savoir comment ça s'est passé ailleurs avant. Je dirais qu'il y a un round d'observation et parfois aussi un défouloir sur le précédent qui se retrouve d'un seul coup avec plein de défauts. Bcp aussi ont la frousse de voir débarquer un technocrate autoritaire.   

Je crois que personne ne se dit : ah, enfin, on va pouvoir tenter de nouvelles choses. Des nouvelles choses aux forceps dans l'EN on en connaît tellement qu'on aspire à un peu de paix. Et bien sûr on essaie de connaître le fond de la lettre de mission.   

Paraît qu'elle va disparaitre. J'ai du mal à le croire... (…) »  

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« J'ai une nouvelle chef qui fait (fonction) cette année. C'est compliqué pour elle d'arriver là. Elle pense rester sur le poste. J'aimerais qu'elle jette un coup d'œil sur la répartition de la DGH. Il y a de grosses aberrations, qu'elle ait le courage de mettre un coup de pied dans la fourmilière en demandant à certains de justifier leurs fausses sections sport, sciences qui mangent tellement d'heures ds la DGH et qui interdisent aux autres matières Demi groupes, flexibilité des emplois du temps.   

C'est compliqué de lutter contre des pratiques ancrées depuis des années. J'aimerais qu'elle rencontre chaque équipe pédagogique pour s'intéresser aux projets, qu'elle permette un peu plus de temps de concertation qui nous fait cruellement défaut. Que l'on fixe des vrais protocoles d'accueil pour les nouveaux élèves venus, les primo arrivants. J'arrête là car ce sont des problématiques de mon établissement. Mais c'est très lourd de naviguer à vue chaque année. Mais ce qu'a montré ces derniers mois, j'aimerais que mon chef communique même pour nous dire je ne sais pas. C'est mieux que rester sans nouvelles et dans le flou pendant des jours, voire semaines. Et ça permet un lien de solidarité et de compassion envers ce chef démuni. »  

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“(…)    

J'ai vécu quelques changements de chef.fe.s comme enseignante. Certains restés au maximum du temps autorisé, et malgré les changements d'adjoints, l'effet chef était fort. Bcp d'appréhension car la certitude d'un changement d'habitudes de fonctionnement, bien installées. Changement perçu comme une remise en question d'avantages négociés sur le temps long. Inquiétude face à l'inconnu pour les uns, espoir de pouvoir défendre d'autres projets pour d'autres...  

Autre vécu : arriver comme nouveau prof en même temps qu’un nouveau chef. Très formateur finalement pour observer avec un peu de recul ce lien et les attentes entre des personnels et un chef/une cheffe.  

Le diagnostic de l'un, les observations pour espérer "cadrer à quel chef on a à faire" de l'autre...  

Ça a plutôt nourri ma réflexion sur la temporalité en établissement, davantage que sur les missions. Quand les équipes sont tellement stables qu’elles se figent, ce n'est plus aux missions du chef que l'on s'intéresse, mais à sa personnalité et si ce sera possible de le convaincre que "on a tjs fait comme ça ici". Avec la certitude qu’au pire il n'y a qu’à prendre son mal en patience avant l'arrivée du prochain...”  

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“(…) Pour moi l’essentiel est qu’il/elle se laisse du temps, une année scolaire par exemple, avant de poser sa « patte » :   

- un an pour laisser se continuer et respecter ce qui avait été décidé avant   

- un an pour s’imprégner de la culture de l’établissement   

- un an pour rencontrer et discuter avec chaque personnel   

- un an pour ne pas se laisser biaiser par les plus fortes personnalités qui vont imposer de suite leur point de vue en prenant toute la place, constater les dynamiques de petits groupes, avoir une idée des passifs et des personnalités de chaque membre de la communauté éducative   

- Un an de reboot pour laisser retomber l’appréhension de l’éléphant dans le magasin de porcelaine”  

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“Difficile d’organiser tout ça, j’espère répondre à vos questions sans partir dans tous les sens :   

• interrogations : La première est sur sa gestion de l’humain, certains diront le « management ». Exercera-t-il/elle un contrôle sur tout ou fera-t-il confiance dans une certaines mesures à son personnel (j’inclus l’adjoint dedans, et le personnel AED, ATOSS) ? La seconde sa communication : Officielle, tout le monde apprend les choses en même temps, ou en tout cas dans la majorité des cas et sur les choses importantes. Disparate, on apprend des choses car untel est passé par l’administration et a eu une confidence. La dernier sur « sa patte » : quelle analyse des projets entamés va être menée, de quelle manière va-t-il impulser ceux qu’ils souhaitent mener, avec quelle finesse va-t-il remettre en cause (et parfois a juste titre) ceux sans effets si ce n’est un effet d’affichage.   

•Les attentes : Je n’attends pas d’être d’accord en toutes circonstance avec mon CE et ça ne devient pas une mauvaise personne quand nous ne sommes pas d’accord. Par contre j’attends un minimum de franchise et de communication, ne pas masquer le réel objectif et la possibilité d’en échanger de manière informelle sans prendre RDV. Je déplore que mes collègues s’arrêtent régulièrement à : il m’a refusé tel projet ou arrêté mon projet (qui ne servait à rien qu’à gagner quelques HSE mal utilisées donc c’est tout à fait logique). Tout comme je déplore les CE « border » avec les textes, notamment en CA, et qui compte sur la méconnaissance ou la crédulité des collègues pour accepter un truc qu’ils n’ont pas à accepter. Par conséquent j’aime les CE qui ne s’enferment pas dans le bureau et qui viennent sur le terrain autant qu’ils peuvent. Quand les élèves ne savent pas à quoi ressemble le CE c’est embêtant. Il est important à ce stade que je précise, je n’attends pas qu’il soit parfait, mais honnête et juste le plus souvent possible en fait. J’ai eu 6 CE pour le moment, les rapports ont été bon avec chacun sauf un (qui faisait tout en catimini derrière sa porte fermée mais cela arrangeait les collègues qui négociait comme cela, or je suis pour la transparence- par ailleurs c’est une personne sympathique mais cela ne correspondant aux valeurs que j’attends d’un CE) avec des personnalités très différentes et des manières de gérer très différentes :   

(…)  

J’attends de la transparence sur les choix liées à la DHG, comme la distribution des HSE selon les projets et pas des négociations en catimini matière par matière et c’est à celui qui tirera le plus fort. Par ailleurs, j’ai une profonde aversion pour l’ancrer sans justifications : ça a toujours été fait comme ça, c’est ma salle, ... donc la gestion de l’ancré inutile est importante à mes yeux (Mme machin et sa salle depuis 10 ans, alors que le TZR fait 3 salles différentes par jours). Il m’est arrivé de proposer de rendre des heures de Section car cela ne profitait pas au plus grand nombre, la DhG devant servir au plus grand nombre à mes yeux et les projets pour peu d’élèves on voit ce qui reste avec les HSE. J’attends donc un minimum de confiance dans les équipes, ce qui ne veut pas dire un blanc sein et une absence de contrôle. Au contraire les bilans de projets et les conseils d’enseignements sont pour moi primordiaux afin de communiquer ce que l’on fait, la manière dont s’est perçu. Et ils sont trop souvent réduits à peau de chacun et en fin d’année sans bilan étape. Les craintes : Cela rejoint un peu tout ça. Tomber sur quelqu’un trop gestionnaire et autoritaire. Qui laisse trop de place aux familles et n’ose pas  

 S’y opposer quand il le faut. Et qui laisse aussi les collègues en roue libre parce que telle habitude, tel privilège etc... Bref vous avez une mission bien compliquée, surtout ces derniers temps. C’est beaucoup de chose pour une seule personne. Mais comme je l’ai dit : je n’attends pas la perfectionner, juste que ce soit géré au mieux et honnêtement, quitte parfois à dire « je ne sais pas/là il faut m’aider ».   

Après j’ai bien conscience qu’en fonction de la salle des profs et de la force de proposition/opposition qu’on a, vaincre l’inertie n’est pas toujours aisée et que le mode de « management » doit aussi être adapté.   

(…)”  

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“(…)  

Tout d'abord, ça dépend de qui était en place avant : le jeu des comparaisons est inévitable et l’estime qu on porte à l'ancien chef nous influence forcément.   

“Sera-t-il à la hauteur après xxx?”, “ouf, quel soulagement après xxx !”  

 Il y a toujours ce temps, disons au moins les 6 1ers mois, où il faut s’apprivoiser : le moindre faux pas est très critiqué dans la salle des profs !! Ensuite, selon la confiance et l’estime qui s'est développée (ou pas) les erreurs seront plus vite pardonnées.  

J'ai la chance (oui je trouve que c'en est une !) de travailler dans un tout petit collège où l'équipe est là depuis longtemps.  C'est une petite famille avec ses liens, ses tensions mais aussi son histoire : difficile pour les petits nouveaux de faire face aux râleurs (mais finalement dociles) que nous sommes. Ce petit Collège et ses élèves ON L'ADORE, il ne faut pas le casser ! Alors les petits chefs carriéristes passent très mal : on va continuer à faire notre job à fond mais en laissant le boss royalement de côté ! ... 

Nous avons eu un chef une fois qui nous a dit “Quand je suis arrivé là, je me voyais en Capitaine du navire et quand je suis parti j’ai compris que j'étais le con qui ramait derrière”...Bien résumé !   

On attend d'un chef qu il travaille avec nous et pas qu il soit au-dessus de nous : l’effet famille très important chez nous. De toute façon, on lui dira notre façon de penser (et on le félicitera aussi quand il fera qqch de bien !)  

Ma plus grande crainte est donc celle-ci en effet : va-t-il aimer ce collège autant que moi ? Va-t-il nous soutenir dans nos projets et le reste, pour nous, pour les élèves ou pour sa gloriole personnelle et son plan de carrière ? Lui il va partir, nous on reste. Je veux qu’il soit fier de son établissement pas que l'établissement le rende fier.   

La seconde crainte est celle de la gestion humaine et souple des personnels : c'est bien comme ça qu on avance mieux !  

 Qu’il reconnaisse aussi les gens à leur juste valeur : nous avons comme partout quelques brebis galeuses mais honnêtement sinon quelle équipe nous avons ! Certains sont reconnus (je suis prof de musique, c'est plus facile de faire du bruit), beaucoup sont formateurs et sollicités par leur IPR, mais d'autre font “juste” un job hallucinant en toute discrétion. Un bon chef saura les féliciter et les soutenir. J'avoue que cette part là, essentielle au bon perdir, est la plus ardue : savoir vraiment qui sont les gens de leur équipe (profs, AVS, ASEN...) sans les effets de com’ ce n‘ est pas simple !! Celui qui cernera ses troupes au plus vite sera le meilleur et le plus apprécié !   

En tout cas, sacré job que je n’aimerais pas faire, particulièrement à (...) où le grand bain est très complexe (je crois bien qu’un chef nous avais dit que c'était comme ça qu’on était étiquetés...)  

Par contre, une fois qu’on sait y nager, qu’il est difficile de partir ! (…)”  

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“(...) J’ai connu 4 directions. La dernière met en difficulté les équipes et le climat au lycée ; motif : une mauvaise communication.   

À tel point qu’aujourd'hui les discordes sont permanentes ; les canaux de communication supports de décharge émotionnelle et ... les liens nécessaires au partage rompus.   

Conséquence : plus rien ne va !   

L’équipe de direction s’est isolée, les profs se divisent, les équipes techniques se rebellent ; ... les élèves, principal public du lycée à considérer, en subissent les effets !   

Alors, si de mon point de vue il y a un point de vigilance à aborder de façon très pertinente et professionnelle ; c’est la communication (ascendante et descendante) de l’équipe de direction.”  

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“En tant que professeur-documentaliste, ma plus grande interrogation lorsqu'il y a des changements de chef, c'est : ce nouveau chef(fe) va t il me reconnaitre en tant que professeur ? et pas simplement documentaliste ? Vais-je garder la possibilité de faire des séances pédagogiques ? (Professeur-documentaliste, qui malgré ce que dit notre ministre, est devant les élèves ... 12 heures de séances seules ou en coanimation parfois, pour moi cette semaine ... une semaine normale).  

Et lié à cela ne va t'il pas reléguer le CDI à une annexe de la permanence, et vouloir que le CDI soit "rempli", vouloir la quantité et pas ce qui est fait au CDI ?  

 J'ai de la chance, pour l'instant, même avec les chefs avec qui je n'étais pas d'accord sur beaucoup d'aspects du métier, sur ces questions, mon travail a toujours été respecté.  

 Il y a ensuite des questions plus larges à l'établissement : comment va-t-il (elle) se comporter par rapport à la communauté éducative ? Nous faire confiance ? (Un que j'ai eu ne faisait confiance à personne et donc nous avons passé 3 ans à avoir l'impression d'être fliqué, car nous n'aurions pas été sérieux et donc il fallait contrôler si on faisait bien nos heures.)  

Sait-il ce que c'est de faire cours ? de gérer des élèves ? (Donc indirectement a-t-il été prof avant d'être CE ? mais je connais d'excellents CE qui n'ont pas été prof avant).  

Quelle communication ? rétention d'information ou dans le dialogue, acceptation de revenir sur une décision, si finalement on s'est trompé ...  

Quel accompagnement des équipes ... diviser pour mieux régner ou convivialité.  

 (…)”  

 

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“ (…) On ne devrait pas avoir avec les équipes de direction des relations verticales, mais horizontales et coopératives.  

Alors depuis un an et demie, je découvre une chef qui me déstabilise parce qu'elle est humaine. C'est bizarre. Si si !, ça fait drôle. Je ne suis pas habituée.  

C'est de l'ordre de "Ah non, je ne veux pas vous voir au lycée, vous restez chez vous, vous êtes diabétique, je ne veux pas que vous attrapiez cette saleté" ou de "écoutez, si vous ne vous sentez pas bien restez une demi-heure à la réunion et rentrez chez vous" (sans sollicitation aucune de ma part). Alors à chaque fois je suis surprise. Mais je reste toujours sur mes gardes (c'est ancré en moi à la longue). On n'est jamais à l'abri d'un revirement, d'un accès de mauvaise humeur, ou autre impondérable de la psychologie humaine qui peut tout changer, ou d'une instruction du DASEN ou du Rectorat qui feront tout capoter.  

Pendant toutes ces années, alors que je suis quelqu'un qui aime faire bien son travail, les circonstances m'ont poussé à faire ce que je devais pour les élèves, mais pas au-delà. Depuis quelque temps, je me surpasse (bizarrement surtout en distanciel), parce que ma chef est humaine et compréhensive et que j'ai envie de rendre.”

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