INDISPENSABLE

15 rentrées scolaires. 2021 devait être la seizième...

Je viens de réaliser que depuis 2006, chaque année à cette même époque, adjoint puis chef, j’ai toujours été en train de préparer activement la rentrée scolaire et d’y mettre les dernières touches.

De réparer mes erreurs aussi, parce que je rappelle que je suis très fort sur le point 15 des « habitudes des gens heureux » : j’embrasse à merveille l’imperfection.

Mais cette année, Achille a voulu que je sois privé de cette rentrée, obligé de m’occuper de moi et juste de moi.

En 2015, ce même Achille (mais sur l'autre versant) s’était aussi rappelé à moi, mais au mois de juin, et crânement j’avais alors décrété que je saurais à l’aide de mes équipes gérer la fin de l’année avant de m’occuper vraiment de ce foutu tendon.

Je l’ai payé amèrement par la suite. Faute de l’avoir ménagé vraiment j’ai pris en plus une année de rééducation sans jamais récupérer totalement.

Fort d’un âge plus avancé, donc parait-il d’une maturité plus importante, j’ai décidé en conscience (et Madame EnVarech y a veillé) à cette fois-ci faire passer moi-même avant le reste du Monde. En même temps cette fois-ci les médecins ne m'ont pas demandé mon avis...


Facile, non ?

  

On le décide en conscience, et puis le reste suit.

On se lève le matin (on se réveille, plutôt, se lever est un bien grand mot), et on a de la joie à ne penser qu’à soi.

On ne mouline pas du tout.

Pas de mauvaise conscience du tout.

Fort d’un soutien inconditionnel, d’un accompagnement exemplaire.

 

...

En fait, c’est extrêmement difficile.

Et chacun qui a vécu ce genre de période sait de quoi je parle.

Je pense aux enseignants qui doivent laisser leurs élèves, parfois sans remplaçant, en angoissant de ne plus les suivre, à tous ceux qui à un moment n’ont pas d’autre choix que de s’occuper d’eux pour reconstruire les conséquences d’un accident de la vie, quel qu’il soit.

J’apprends énormément de la période, de ce long moment qui s’offre à moi.

J’ai la chance de faire partie des résilients, d’avoir cette capacité précieuse de savoir reprendre forme après déformation (ce qui est je crois la définition physique de la résilience). Depuis déjà longtemps je me construis sur mes traumatismes. Et quelle construction ! (Point 10 : « Être fier de ce que l’on accomplit »).

( Le principe de résilience appliqué au petit pain)

J’apprends une chose majeure en ce moment : quoiqu’on vous dise, quoiqu’on en dise, quand on a des responsabilités (et en y réfléchissant, nous en avons tous), on se sent d’une certaine manière indispensable.

A force de sentences toutes faites on essaie de se convaincre du contraire. Mais la première réflexion qu’on peut avoir est celle-ci : « je suis indispensable à ».

 

 

Nous savons bien (en conscience au moins) que ce n’est pas vrai et la suite nous le démontre. 

On est remplacé (ou pas), nos responsabilités deviennent celles d’autres (par nécessité ou par choix), et la vie se poursuit.

Sans nous.

Je le sais, c’est une évidence, et la méthode empirique est excellente pour s’en assurer.

Par exemple, moi : je suis remplacé par une collègue investie, qui fait le job largement aussi bien que je ne l’aurais fait, apporte une patte différente que je trouve géniale, professionnelle et à l’écoute.

Je ne devrais donc avoir aucune angoisse, je devrais sereinement poursuivre mes journées à attendre patiemment qu’Achille se répare.

Serein…

Mais rien n’est simple.

On ne retire pas 15 ans de réflexes ainsi. Surtout quand on n’est pas préparé psychologiquement à l’idée et que ça vous tombe dessus sans prévenir.

(Note pour plus tard : penser à anticiper ma retraite.)

 

Or donc j’apprends.

Je sais aujourd'hui que lorsqu’un des personnels placés sous mon autorité sera ainsi empêché, je prendrai encore plus de temps pour prendre de ses nouvelles et le rassurer.

En réalité, je le faisais déjà. De manière instinctive, comme beaucoup de ce que je fais.

Mais maintenant je saurai vraiment pourquoi je le fais.

Je tiens à remercier mon équipe pour ses mots d’attention, je tiens à remercier CV qui me remplace et qui a parfaitement compris et pris la mesure de ce remplacement. Je lui ai laissé les clés du camion, qu’elle conduira à sa manière le temps nécessaire, et je sais avec brio.

Je sais que je peux ne rien faire ou faire tout autre chose durant ce long temps imposé.

 

Je fanfaronne ici et là parce que c’est dans ma nature, mais n’en doutez pas : j’aurais mille fois préféré être dans le stress et l’excitation de la rentrée qu’ainsi cloué.

Et cette semaine de rentrée, au calme et serein sur mon canapé confortable, je ne serai pas à la fête. Mais je penserai à chacune et chacun qui vit ce moment si particulier.

Belle rentrée à toutes,

Belle rentrée à tous.

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Je coince toujours sur le point 7 (ça veut pas)...

 

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